En hommage à Bernard Sarrieu. Saint-Mamet 1er juillet 2023.
L’Académie Julien Sacaze de Luchon a fêté l’année dernière son centenaire. A cette occasion, elle a mis en relief l’œuvre de plusieurs grandes figures qui l’ont accompagnée depuis l’origine et qui inspirent toujours ses travaux. Parmi elles: Bernard Sarrieu.
A vrai dire Bernard Sarrieu a largement précédé l’Académie puisque né en 1875, il approchait de la cinquantaine lorsque celle-ci fut créée par Pierre de Gorsse en 1922. Son œuvre était déjà imposante et sa notoriété considérable rayonnait au travers de l’Escolo deras Pireneos et de la revue Era Bouts dera Mountanho qu’il avait fondées. Aussi fut-il nommé dès le départ vice-président de l’Académie et participa-t-il activement à ses études jusqu’à sa fin en 1935, s’attachant par exemple à l’étymologie de divers toponymes de la région.
Je relisais l’hommage que Joseph Picot, président de l’Académie, prononça lors de l’inauguration du monument de Saint-Mamet en 1936. Il rappelait alors les nombreuses contributions de Bernard Sarrieu à la Revue de Comminges pendant la trentaine d’années où celui-ci fut membre de la Société des Etudes du Comminges, association créée par Julien Sacaze en 1884 et qui est en quelque sorte la grande sœur de notre académie luchonnaise. Bernard Sarrieu et Julien Sacaze, deux figures majeures de la culture commingeoise et notamment de la linguistique commingeoise, ne se sont peut-être pas connus puisque Bernard n’avait que quatorze ans au décès de Julien. Cependant leurs œuvres se prolongent l’une l’autre, Julien Sacaze ayant par exemple été le promoteur de la grande enquête linguistique sur les langues pyrénéennes publiée dans la Revue des Pyrénées autour de 1890.
Même si l’on doit admirer l’œuvre proprement littéraire de Bernard Sarrieu, poésie et théâtre notamment, illustrant souvent Luchon et son voisinage par la vertu de l’imagination, ce sont ses études de linguistique qui lui assurent une célébrité durable parmi les érudits de la langue gasconne. Ce sont effectivement d’innombrables articles et conférences qu’il a donnés dans des revues savantes du Sud-Ouest ou à l’occasion de congrès scientifiques. Un de ses thèmes de prédilection fut le parler luchonnais, avec des études sur la morphologie et la syntaxe du Luchonnais, la phonétique du Luchonnais et encore la rédaction d’un glossaire du dialecte luchonnais. Certains de ces travaux furent publiées dans la Revue des langues romanes qui furent salués par la remise du prix Boucherie de cette société.
C’est donc à la fois un poète gascon, un savant linguiste, un amoureux du pays de Luchon et du Comminges que l’Académie se plaît à compter parmi ses inspirateurs puisque la raison d’être de l’institution est l’illustration du patrimoine, de l’histoire et de la culture du pays. La langue est un fleuron de ce patrimoine et l’Académie sait honorer les grands esprits qui régulièrement viennent la vivifier. Nous sommes attentifs à entretenir la flamme. Lors des manifestations du centenaire on a célébré Les Pyrénéens et leurs langues par la rencontre du président de l’Academia aranesa dera langua occitana avec un de nos membres, professeur d’occitan à Tarbes. De même l’Académie a déjà décerné un prix Bernard Sarrieu pour honorer les auteurs de travaux remarquables en linguistique gasconne, ayant par exemple distingué à l’époque l’abbé Eugène Bernat.
J’ajouterai pour terminer que notre ancien secrétaire perpétuel, Jean Castex, aussi originaire de Saint-Mamet, fut un passionné du gascon luchonnais et un fervent admirateur de Bertrand Sarrieu. Il lui a consacré plusieurs articles dans la Revue de Comminges, dont la transcription de l’éloge qu’il prononça le 13 août 1975 dans le palais des évêques d’Alan, lors d’une séance exceptionnelle de l’Académie Julien Sacaze à la mémoire de l’écrivain gascon. A la même époque, une exposition fit revivre le poète. Dans un autre article publié en 2001, à l’aube du siècle d’aujourd’hui, Jean Castex se plaisait à peindre la vaste fresque des écrivains gascons des Pyrénées centrales, regrettant la rareté d’écrivains commingeois anciens dans un pays où a longtemps dominé la tradition orale. Dans cette rétrospective il mettait d’autant plus en valeur le grand mouvement issu du félibrige qui, à partir de la fin du XIXe siècle, suscita ou ressuscita la langue littéraire du haut-Comminges. Bertrand Sarrieu tint une place éminente dans cette épopée culturelle. Nous avons à cœur de nous en souvenir au sein de notre académie.
Jean-Marc Chaduc, président de l’Académie Julien Sacaze.