Extraits des communications du Centenaire

Extraits des communications du Centenaire

Jean Castex raconté par Christian Crabot


J’évoquerai sa mémoire de deux façons, ayant été proche de lui comme collègue pendant 30 ans au lycée Théophile Gautier de Tarbes, et à mes côtés pour lancer la sauvegarde de l’ancienne abbaye de Saint-Sever-de-Rustan.

Il y a déjà plus de 17 ans que J.Castex s’effondrait à son bureau  en écrivant ses cartes de voeux – en gascon – pour 2005.

J. Castex a fait presque toute sa carrière à Tarbes (trente-quatre ans) après des débuts à Condom. Il y a été très apprécié  par les élèves, mais aussi « en ville » pour l’élégance littéraire de son langage : il savait raconter l’Histoire et se flattait volontiers de ne pas être vraiment géographe. Il avait été chargé du service éducatif des Archives et organisait à ce titre des expositions, et dans les années 80 au lycée de l’option occitan.

Bien que résidant dans une chambre meublée derrière le lycée, il ne s’est jamais senti Tarbais mais luchonnais ou plutôt saint-Mametois (prétendant avec humour que Luchon n’est que la banlieue de saint Mamet. Il y revenait souvent, même pour le week-end, en train via Montréjeau, car il se flattait de n’avoir jamais passé le permis. Il s’y installa après sa retraite, avec sa mère, décédée à 99 ans, six ans avant lui.

Nos liens ont été renforcés par sa sensibilisation à mes côtés au sauvetage d’un « chef-d’œuvre en péril » haut-pyrénéen, l’abbaye de Saint Sever, dans le nord des Hautes-Pyrénées ; le déclenchement de notre action avait été l’incendie de la vieille halle en bois du bourg en 1965.

Abbaye de Saint-Sever-de-Rustan – Façade restaurée

Nous publions alors une brochure, que Jean Castex eut l’idée géniale d’intituler Versailles en Gascogne ou il évoquait « les traces du baroque toulousain » ; ex. de son style « L’abbaye avait eu assez de célébrité pour fournir deux cardinaux au temps du pape gascon Clement V, ancien évêque du Comminges » (qu’il n’oubliait jamais !).

Avec l’aide de collègues nous organisâmes chaque année des concerts de qualité qui amenèrent beaucoup de Tarbais à découvrir Saint-Sever-de-Rustan et à adhérer à l’association (qui compta plus de 200 membres).

Puis en janvier 1970 ce fut la fondation de l’association des Amis de Sant-Sever de Rustan, dont j’assurai la présidence la première année puis après 1987, et dont il fut le vice-président vingt ans,  jusqu’à son départ de Tarbes.

Un demi-siècle plus tard, l’abbaye, cédée au département en 2010, est désormais  sauvée et largement restaurée. 


Les horloges et les horlogers de la zone transfrontalière par Howard Bradley

La seule horloge connue pour être fabriquée en Comminges quand j’ai commencé cette étude était dans les mains d’un collectionneur et donc, pas disponible au public, et totalement déconnectée de son histoire. Cette horloge est signée Mengarduque à Saccourvielle, donc nous sommes passés à Saccourvielle où nous avons trouvé une autre horloge, signée Antoine Mengarduque et fils, 1901.

A côté de l’église est l’ancienne forge, maintenant une résidence. Dans le cimetière un témoignage poignant de la Première Guerre Mondiale et la fin de la production des horloges – un fils tué en 1914, l’autre en 1915, et Antoine lui-même est mort en 1916.

Mais comment l’histoire de cette famille d’horlogers a-t-elle commencé?

Fig. 1 – Bourg d’Oueil des pièces d’une horloge à l’abandon sous la toiture de l’église

Nous avons trouvé à Bourg d’Oueil des pièces d’une horloge à l’abandon sous la toiture de l’église (fig 1). Nous les avons reconstitué sur place. L’horloge est conforme aux dessins classiques de Huygens (1657) avec un échappement à verge, donc on peut penser à une date d’environ 1700 – 1750. Elle est en ordre de marche dans l’église aujourd’hui (fig 2).

Fig. 2 – Bourg d’Oueil – Horloge reconstruite

A Cires, on en trouve une autre, très proche de celle de Bourg, avec la même décoration mais quelques pièces manquantes. Elle n’est pas restaurée.

Passons à Cazarilh Laspène, on note les différences – une horloge horizontale, à ancre et pas à verge, avec la décoration en 2 dimensions typique de Guillaume Mengarduque (qui n’a jamais signé une horloge mais il a signé plusieurs portails avec la même décoration, Il a même signé Mengarduque horloger !

Fig. 3 – Horloge de Mayrègne

A Mayrègne (fig 3) et à Oô les décorations sont en 3-d et sont signées Mengarduque Frères, les fils de Guillaume. Dans les archives à Toulouse nous avons trouvé le contrat entre Antoine Mengarduque et la commune de Mayrègne :

garantie pour 10 ans contrat d’entretien 10 ans

ancienne horloge en reprise.

Dans la vallée de Barousse à Mauléon-Barousse nous avons trouvé une horloge très proche de celle de Bourg, mais à Ourde nous avons trouvé un nouveau développement – un échappement à chevilles d’un dessin expérimental et grossier. Il y en a une autre à Gaudent. Les deux sont probablement des explorations par des fils d’Antoine de nouvelles idées (ils ont utilisé comme base les horloges reprises par Antoine Mengarduque fabriquées par son père, Guillaume).

Maintenant nous passons vers le Val d’Aran, même si l’histoire commence dans la vallée de Larboust, à Gouaux de Larboust. Là, nous avons trouvé une horloge verticale déjà restaurée par le fils du maire de l’époque, mais pas construite par un Mengarduque. C’est signé Juan Pere Claveria de Vielha, 1793. Surprise à Vielha! mais quelques semaines plus tard Elisa Ros Barbosa, la conservatrice, en a trouvé une autre – et une autre!

J’ en ai aussi trouvé une autre, identique, signée seulement avec un C, à Galey dans le Couserans, sur la route de commerce entre Vielha et St Girons. A Izaourt (vallée de Barousse) nous avons trouvé un contrat avec Claveria mais pas d’horloge.

Fig. 4 – Horloge d’Escunhau

Mais avant de vous immerger dans les années 1780-90, je vous invite à sauter 150 ans plus tôt. A Escunhau dans le Val d’Aran nous avons trouvé une horloge d’environ 1620 (avant Huygens 1657) d’origine une horloge à foliot avec sa roue d’échappement en plan vertical parce que le foliot a oscillé dans le plan horizontal (fig 4). Quelques années plus tard nous en avons trouvé une autre à Mont (Hautes-Pyrénées) et il y a 2 ans une troisième à Vallière dans la Creuse. Toutes les trois sont restées inchangées depuis leur conversion au balancier (1680??) et pendant leur restauration je n’ai rien changé – toute leur histoire est conservée pour l’avenir. Elles sont peut-être les plus anciennes horloges en France dans leur état d’origine.

Fig 5. – Horloge de Garos

Mais les surprises du Val d’Aran ne sont pas épuisées. Nous passons à Garos (fig 5), une horloge verticale, avec un échappement verge, fabriquée par Joan Guerri en 1714 – tout était en pièces, et à genoux nous l’avons examiné. Nous avons trouvé des inscriptions – Binos était juge, Pradas était recteur, trois autres étaient jureurs – toujours dans le passé ! Remarquez la date 1714, fin de la guerre de succession d’Espagne qui a divisé en deux le Val d’Aran – ces hommes était les hommes de Baish Aran qui était en pouvoir en Naut Aran – tous tués sauf un qui a fait faire l’horloge en tribut aux autres. Notre découverte était en 2014 – 300 ans plus tard et nous sommes passés avec l’horloge dans chaque école du Val d’Aran pour présenter cette partie de leur histoire.

A Vilamos nous avons trouvé une autre horloge Guerri en condition déplorable datée 1713. On en trouve une autre, sans date à Vilac. Qui était Guerri ? Il était probablement de Benasque. Elisa Ros a trouvé dans les archives un paiement pour son hébergement pour 3 mois dans le Val d’Aran. Est-ce qu’il a travaillé ailleurs ? J’ai vu une horloge similaire à Durro dans le Val de Boi. Est-ce qu’il en existe d’ autres ? Nous en avons trouvé d’ autres à Talarn et Palau, restaurées avec soin par Jaum Elies. Ces horloges n’ont pas de signature – est-ce qu’elles sont toutes de Guerri ou est-ce que Guerri était membre d’un groupe d’artisans qui ont eu tous le même style? Ces questions sont pour l’avenir.

Je retourne dans le Val d’Aran après Guerri et avant Claveria. Il y a trois horloges – Betren, Vila et Les, toutes sans signature et sans date. Un groupe de 3 intermédiaires, entourées par des questions.

Finalement je reviens à Juan Pere Claveria – Arro, échappement à ancre, signature et date 1788 (fig 6) ; Unha 1790 ; Arros 1790.

Fig. 6 – Val d’Aran – Horloge signée Claveria Pere

Finalement dans le Val d’Aran se trouve un groupe d’horloges horizontales, une signée Claveria Pere (pas Juan-Pere) et datée 1817. Les autres sont sans signature ni date – par exemple Casarilh, Bagergue et Es Bordes.

Dans mon travail, j’ai laissé de côté les horloges de production industrielle 1870-1920 dont il existe beaucoup d’exemplaires (Luchon, St Gaudens, beaucoup de villages) Elles ne sont pas les produits des horlogers de notre pays. Elles sont de Morez ou Morbier dans le Jura. Egalement, j’ai ignoré les mêmes horloges construites sous licence (ou non) par Blasco en Catalogne et Cos en Aragon.

Les horloges qui sont en péril de disparition sont les horloges artisanales. Elles représentent notre histoire. Je vous en prie, sauvez-les.